mercredi 26 mai 2010

Sur l'égalité

L'autre jour je parlais avec une amie de la haine des hommes, et ça m'a fait réfléchir... Je ne hais pas les hommes. Je suis passée par une phase de haine des hommes, quand je "travaillais" comme prostituée, et en y regardant, c'est facile de voir pourquoi. Mon ex partenaire abusait de moi, les hommes qu'il me présentait abusaient de moi et les clients payaient pour abuser de moi. C'était beaucoup plus sécurisant pour moi de dire, les hommes sont des merdes, ils te font souffrir, et de me déconnecter. Je pense que ça a rendu les choses moins personnelles, moins douloureuses pour moi en tant qu'être humain, de dire que tous les hommes sont comme ça.

Maintenant cependant, en guérison, et à mesure du temps, j'en viens à croire quelque chose de différent. À mesure que la colère diminue, et que je peux voir les choses un peu plus clairement, voir la douleur un peu plus clairement, je peux voir mon ancienne vision pour ce qu'elle était : un mécanisme de défense qui était utile dans une situation de traumatisme extrême. Je me suis attaquée à une thérapie pour guérir (j'ai passé 12 mois à voir un thérapeute homme, qui m'a immensément aidée sur mes difficultés à faire confiance aux hommes), et j'ai rencontré quelques hommes bien avec qui je suis devenue amie. J'en suis venue à voir la vérité : de même qu'il y a des femmes gentilles et des femmes méchantes, il y a des hommes gentils et des hommes méchants. Il se trouve juste que j'ai passé plus de temps avec les seconds !

L'industrie porno perpétue un mensonge, elle nous vend un mensonge qui dit que les hommes et les femmes sont fondamentalement complètement différents. Les femmes sont là pour être utilisées, pour être baisées et photographiées et filmées comme des animaux sexuels, qui veulent ça, qui aiment ça, et qui jouissent là-dessus (regarde moi ce sourire !). Les hommes, par contre, sont là pour dominer, pour pénétrer, pour violer, en toute impunité. Tout cela sous le déguisement de la "liberté d'expression", de "plaisirs inoffensifs", de "les hommes sont comme ça". C'est excusé, non, plus que ça, c'est attendu que les hommes se comportent d'une certaine façon, traitent les femmes d'une certaine façon, pour qu'ils soient vraiment des hommes. Les sous-titres sont clairs : si tu refuses d'utiliser de la pornographie, de traiter les femmes comme des objets sexuels, de les voir comme une collection de parties du corps et de "trous" qui existent pour ton plaisir, tu n'es pas vraiment un homme. Similairement, une femme qui se demande si une industrie qui vend les corps des femmes, qui fait des tonnes d'argent pas pour les femmes qu'elle utilise mais pour les hommes qui les vendent, est vraiment "libératrice" et créatrice d' "empowerment" pour les femmes, cette femme est étiquetée comme prude.

L'industrie du sexe a réussi quelque chose de tout à fait remarquable : elle a piraté le langage du féminisme et du choix pour défendre ses pratiques destructrices et oppressives. Et la société a gobé ça tout cru. Je ne crois pas que ce soit facile pour qui que ce soit, homme ou femme, de se dresser contre ce qui est devenu "normal" et qui fait partie de la culture dominante. La société a naturalisé quelque chose qui n'a rien de naturel, qui oppresse les hommes et les femmes. Il n'y a rien de nouveau à propos de l'oppression des femmes, mais la façon dont l'industrie du sexe cherche à éliminer ses opposants en se posant en protectrice de la liberté d'expression, de la justice et de la liberté, a ajouté un obstacle très intelligent et a rendu encore plus difficile pour les gens de se positionner à son encontre.

Les mensonges que l'industrie du sexe nous raconte et nous vend font du tort aux hommes comme aux femmes. Mais nous ne sommes pas obligés de croire à ces mensonges. Je crois que les hommes et les femmes sont égaux, et qu'une relation saine entre les hommes et les bases doit être fondée sur le respect de leur humanité et de leur dignité communes. On saigne tous quand on se coupe. On a tous mal quand on nous frappe. Dire aux hommes qu'ils sont "moins virils" s'ils ne traitent pas les femmes comme des objets sexuels est leur rendre un mauvais service. Dire aux femmes qu'elles sont "prudes" parce qu'elles veulent être traitées comme autre chose que des objets sexuels est leur rendre un mauvais service.

Il n'est pas surprenant qu'une industrie si énormément profitable se défende à tout prix contre les attaques. Ce qui est peut-être plus surprenant, c'est la façon dont notre société a gobé ce mensonge si facilement. Selon mon expérience, une grande partie de l'inaction autour des inégalités que l'industrie du sexe alimente est purement basée sur l'ignorance. Les gens qui n'ont pas une expérience personnelle de l'industrie du sexe regardent les arguments tels qu'ils sont servis (par l'industrie du sexe), et sont attirés par ce qui apparaît superficiellement être le côté du "choix" et de l' "empowerment" des femmes, c'est à dire l'argument de l'industrie du sexe. En tant que survivante de la pornographie, de la prostitution et de la violence domestique, il n'y a rien de plus douloureux pour moi que de regarder d'autres femmes se battre pour défendre les "droits' d'autres femmes à être traitées comme je l'ai été. Les arguments que les défenseurs de l'industrie du sexe utilisent sont abstraits, impersonnels, à grande distance de la réalité, et aseptisé au-delà de toute signification. Je défie qui que ce soit, homme ou femme, qui a vu ce que j'ai vu, qui a fait l'expérience de ce dont j'ai fait l'expérience - être violée, être frappée, être menacée, être vendue - de continuer à défendre les pratiques de l'industrie du sexe. L'utilisation des femmes par l'industrie du sexe est avant tout personnelle ! Être nue et pénétrée et voir les autres se branler sur toi et être utilisée encore et encore, difficile de faire plus personnel.

Alors bien que je reste prudente dans mes interactions avec les hommes (de même qu'avec les femmes : la confiance met du temps à se reconstruire après avoir été si profondément anéantie), je ne crois pas au mensonge de l'industrie du sexe qui dit que les hommes sont à la merci de leurs hormones, contrôlés par leur pénis. Je crois que les hommes méritent qu'on leur donne plus de crédit que ça. Les hommes et les femmes qui s'opposent à ce que fait l'industrie du sexe à notre société, et à la façon dont elle traite les gens qu'elle utilise, doivent joindre leurs forces et se battre ensemble. Tout cela est nécessaire, parce que le triomphe de l'horreur, c'est quand les gens bien s'asseoient et ne font rien. Il est temps de parler, côte à côte, hommes et femmes.

mercredi 19 mai 2010

Submergée de rage et bouillant de désespoir


Il me semble me sentir très en colère en ce moment. Pour moi, la colère et la tristesse vont main dans la main, et parfois ce qui se manifeste comme une rage extrême est en fait de la souffrance ou une perte. Je pense que cela se rapporte aux choses qui me sont arrivées par le passé. Souvent, il était dangereux de pleurer, ou d'exprimer la moindre émotion. Énervé par le moindre indice de tristesse de ma part, mon ex me disait de "fermer ta gueule ou je te donnerai une bonne raison de pleurer". Ou alors parfois il exigeait que je pleure - il jouirait dessus. Dans tous les cas, tout est devenu emmêlé dans les jeux de pouvoir et de contrôle dans lesquels je me retrouvais, et je suppose qu'il n'est pas surprenant que cela demande de prendre un peu de recul.

La patience n'est pas mon point fort et je me retrouve très souvent à me réprimander moi-même de ne pas être "bien rangée", d'être encore en train de lutter avec mon passé. Ma voix logique me dit que je devrais me laisser faire une pause, me montrer un peu de compassion, que j'en ai vu assez et que je n'ai pas besoin d'ajouter à la souffrance, à la honte. Mais tout de même, c'est en chantier. Je trouve ça tellement dur de prendre soin de moi ! Ce serait tellement plus facile de faire mon vieux truc, l'autodestruction. Me tailler les veines. Picoler et vomir. M'affamer. Prendre des risques... En processus de guérison, je travaille vraiment dur à changer mes vieilles habitudes, et c'est épuisant. Accepter mon corps comme étant moi et le mien signifie accepter que ce qui est arrivé m'est arrivé à moi, et pas à quelque chose d' "autre" ou de séparé. Cela signifie se rendre compte qu'à chaque fois que mon corps a été battu et vendu, j'ai été battue et vendue. Dur à avaler.

Si cela peut sembler incontestablement évident que moi et mon corps sommes une seule et même unité, cela vaut la peine de signaler que ce n'est pas évident pour moi. Des années de déchirure, de dissociation, consciemment ou d'une autre manière, à agir comme un observateur, un extérieur, regardant ce corps, ces pensées, détachées et séparées, me laissent morcelée. Le regardant me crier dessus, je pouvais me sentir étrangement calme, presque hypnotisée. Je peux voir ses lèvres bouger, mais je ne peux pas vraiment l'entendre, je vois des mots se former, mais ils ne veulent rien dire. Dans mon esprit, je dissèque chaque mot et épelle chaque lettre avec précision. Il y a de la bave qui se forme sur sa lèvre. Je vois que cet homme va frapper cette femme, mais ça n'a pas vraiment d'importance, parce que ça n'est pas vraiment moi. J'observe à distance.

On me dit (et j'ai lu - je lis beaucoup de choses là-dessus maintenant, pour mieux me comprendre, pour guérir) qu'une telle séparation est le produit d'un traumatisme extrême - un mécanisme de défense. Incapable de m'éloigner physiquement de la maltraitance, j'ai cherché à me distancier mentalement, faisant la seule chose que je pouvais faire. L'esprit est un outil remarquable. Les bouddhistes parlent souvent de simplement observer les pensées et les sentiments allant et venant, ils parlent d'impermanence et de non-attachement, et ça a beaucoup de sens pour moi.
Mais là, clean et sobre depuis trois ans, je suis dans ce processus épineux qui consiste à remettre ces pièces ensemble à nouveau, de transformer cet amas de morceaux en quelque chose de complet. C'est une progression lente et douloureuse. J'ai suivi une thérapie, et je travaille le programme au quotidien. Je travaille beaucoup sur le reproche et la honte en ce moment, alors ce n'est pas étonnant que mes émotions ne tiennent pas en place. Quand l'homme qui te maltraite te dit que tu le mérites, pire, que c'est toi qui les pousse à te faire ça, et que tu es isolée et terrifiée et pleine de peur et tu te hais pour l'alcool et les drogues, tu y crois. Et je me rends compte que même si rationnellement je peux voir que ce qui est arrivé n'était pas ma faute, que le reproche et la honte appartiennent aux auteurs de ces violences, mes émotions mettent un moment à le comprendre. Si c'était quelqu'un d'autre, je n'aurais aucun problème avec ça. Mais, c'est toujours la même histoire, alors que je peux être compatissante et objective avec les autres, je trouve ça extrêmement douloureux et difficile d'appliquer ce même soin et cette même réflexion à moi-même.

Je suis tellement en colère ! Envers mon ex pour l'extrême maltraitance physique, verbale et sexuelle qu'il m'a fait traverser. Envers les hommes qui m'ont utilisée, qui m'ont forcée, qui savaient que je ne voulais pas de rapports sexuels, qui me giflaient et se moquaient de moi et me baisaient quand même. Envers les hommes qui se sont fait de l'argent, qui ont pris des photos et filmé ce qui se passait. Envers mon ex pour m'avoir frappé et me forcer à performer pour ces hommes comme un animal, juste pour avoir de la drogue. Envers les médecins et les infirmières des urgences pour m'avoir jugée et m'avoir traitée comme de la merde en ces occasions où j'étais capable de chercher une aide médicale. Et je suis en colère envers moi parce que je me sens encore et toujours responsable de choses qui étaient complètement en dehors de mon contrôle.
Je suis en colère contre moi pour être en colère contre moi (ce qui ne veut absolument rien dire, je sais).

Mais sous la colère, et j'ai pu y jeter quelques coups d'oeil ces dernières semaines, il n'y a qu'une profonde, profonde tristesse pour ce qui m'est arrivé, à ce qui arrive à des femmes dans ce pays tous les jours. On m'a dit que j'ai eu de la chance de survivre, et je suis effectivement chanceuse. J'étais absolument convaincue qu'il me tuerait s'il en avait envie - il me l'avait dit. Quand tu vis à travers ça, tu perds tellement de choses, et j'ai l'impression que je pleure certaines de ces choses aujourd'hui. Tu perds foi en les gens, en leur humanité. Mais plus que tout, tu te perds toi-même. Quand tu es en permanence en train de te forcer, dans une tentative désespérée d'éviter une séance de coups, tu ne sais plus qui tu es. Quand tu agis comme un animal pour survire, tu te hais. Quand ton corps n'est pas le tien et quand les hommes te touchent et te baisent et te frappent et t'utilisent et quand tu ne peux pas les arrêter, tu perds ta dignité. Tout t'est enlevé : tu ne t'appartiens pas.

Mon corps, mon esprit, ont fait ce qu'ils ont pu pour me protéger à ce moment là. Mais ici et maintenant, ce qui m'avait alors protégée peut m'isoler et me nuire. Je suppose que je dois être un peu plus bienveillante avec moi-même. Après tout, il n'y a pas de chemin rapide vers la guérison. Je fais ce que je peux, et on m'aide. Quand je mesure mes progrès par rapport aux autres gens, je dois me rappeler qu'étant donné ce qui s'est passé, je m'en sors pas trop mal. Je ne vais pas trop mal. Je n'y croyais pas avant, mais tu sais, la plupart du temps, maintenant j'y crois. En colère ou triste, fatiguée ou découragée, je vais bien.

vendredi 14 mai 2010

Le visage public d'Angel

Juste pour dire...

Je vais parler à la conférence Compass de cette année. Cela ne sera que la deuxième fois que j'aurai parlé en public de mes expériences, et j'ai des papillons dans l'estomac depuis que j'ai accepté d'y parler ! J'ai tendance à ressentir beaucoup d'émotions contradictoires dès que je parle de tout ça, que ce soit à travers mon blog, à travers des témoignages en ligne ou en public, face à face. Je crois à 100% qu'il est extrêmement important que le message soit diffusé à propos de ce que l'industrie du sexe signifie réellement pour les femmes, derrière son langage féministe. Mais je trouve aussi que c'est incroyablement douloureux de regarder mon passé, et parfois j'ai besoin de me retirer pendant un moment pour m'occuper de moi.

Cependant, je mets en place quelques mesures de sécurité pour mon bien-être (rejoindre des amis après, etc.) et je parlerai aux côtés de quelques femmes que je suis chanceuse de pouvoir compter parmi mes amies. J'ai vraiment rencontré les gens plus incroyables, les plus forts et au plus grand coeur depuis que je suis devenue active en parlant de la prostitution et de la violence domestique. Alors je suis heureuse de pouvoir les revoir, et également d'avoir reçu une nouvelle opportunité d'essayer d'étaler la vérité au grand jour. J'espère que des gens vont venir ! 

La conférence Compass de cette année se passera le samedi 12 juin 2010 à l'Institut de l'Education, à Londres, avec ce séminaire en particulier tenu à 11 heures. Vous pouvez trouver des détails sur www.compassonline.org.uk .
Il y a beaucoup de séminaires qui ont l'air intéressants, alors nous avons de la compétition sérieuse !

Si vous ou quelqu'un que vous connaissez êtes intéressés, venez ! Ce serait génial de rencontrer des gens dans le même état d'esprit, et le feedback que j'ai eu sur ce blog a été vraiment apprécié - ce serait bien de rencontrer certains d'entre vous.

Mes excuses à celles et ceux d'entre vous qui n'habitent pas près de Londres - je suis moi-même parfois frustrée en tant que nordiste de ne pas pouvoir m'impliquer encore plus. UK Feminista est une des associations dont je fais partie qui essaie de faire quelque chose pour ça, alors peut-être que nous aurons bientôt quelque chose de similaire au nord du pays.

mercredi 5 mai 2010

Désensibilisée et anesthésiée

On était plusieurs chez un ami l'autre jour, posés tranquillement, et on a commencé à regarder un film dont quelqu'un avait entendu dire qu'il était bien... 10 minutes plus tard nous l'arrêtions déjà, submergés par la violence. Ne vous imaginez rien, mes amis et moi ne sommes pas fragiles ou particulièrement sensibles. Mais quand un homme était représenté graphiquement en train d'être torturé, nous sommes tombés d'accord : ce n'était pas du "divertissement", c'était malsain.

Je me suis mise à réfléchir après coup, sur le point auquel notre culture est devenue désensibilisée. Qu'elle vende cela comme un divertissement est un peu dérangeant. Mais combien plus dérangeant est le fait que la pornographie soit si largement acceptée comme "inoffensive" et "amusante" et "divertissante" ! Le sang dans ce film, la violence dans ce film, les coups et les bleus dans ce film étaient des effets spéciaux : ils n'étaient pas réels. Sans quoi l'acteur aurait probablement quelque chose à y redire !

Mais dans la pornographie, de vraies femmes sont pénétrées et utilisées et baisées et c'est sur elles ou en elles qu'on éjacule, pour de vrai. Pas d'effets spéciaux : les vagins et les anus et les bouches dans les gros plans font tous partie des "mannequins", les femmes qu'on vend. Quand cette femme a l'air de souffrir, c'est parce que ça fait mal, ça lui fait mal, pour de vrai, pas besoin de jouer un rôle. Qu'on lui donne parfois des lignes à répéter dans le film, disant que c'est bon, ne diminue pas ce fait, bien qu'il augmente sa peine.

Quand j'étais violée et maltraitée et que c'était filmé ou photographié pour le divertissement d'autres, pour faire gagner de l'argent à d'autres, c'était l'insulte finale, qu'on me fasse "sourire" ou dire que j'adorais ça. Je ne voulais pas dire ces choses, je ne voulais pas être là, je ne voulais pas sourire, ou au moins, essayer de sourire, ne sachant même pas si j'y arrivais où si j'étais en train de grimacer. Je me souviens avoir pensé, "je ne me souviens pas comment faire pour sourire".

Assise là devant mon ordinateur, sachant que ces images sont toujours là dehors, je vois que le mieux que je puisse espérer est que cette douleur, cette douleur réelle et cette souffrance réelle, soient reconnues. Mais assise là, je sais aussi que la pornographie devient de plus en plus acceptable, de plus en plus disponible, et de plus en plus extrême, car à mesure que les gens s'y accoutument, cela ne semble plus choquant, et quelque chose de nouveau, quelque chose de plus "hardcore", plus "choquant" est nécessaire pour obtenir le même "effet". Tout cela, combiné avec le fait que la pornographie soit bizarrement vue comme un fantasme, en dépit du fait que les femmes qu'elle utilise soient réelles, et qu'elle soit déguisée sous un langage de "droits" et de termes féministes, est profondément dérangeant.

Ça fait mal.

Cela nuit aux femmes directement impliquées. Mais cela nuit aussi aux femmes qui n'y sont pas impliquées. Ce que nous voyons a un effet direct sur la façon dont nous agissons dans nos vies. Donc si dans des magazines et des films pornographiques les femmes sont traitées comme des objets sexuels et traitées violemment, et si on fait croire qu'elles l'apprécient, et si la pornographie est maintenant largement vue comme acceptable, comme quelque chose dont les hommes ont besoin pour être des hommes, quelque chose d'inoffensif, alors nous normalisons un traitement des femmes qui ne devrait pas être normalisé. Nous rendons l'inacceptable acceptable. Si nous autorisons que certaines femmes soient traitées comme des poupées gonflables, rien de plus qu'un tas d'orifices à utiliser et maltraiter pour le plaisir des hommes, nous autorisons que toutes les femmes soit traitées ainsi.

Il faut que les femmes sachent cela. Il faut que les femmes voient que bien qu'elles ne soient pas dans ces photos ou dans ces films, cela touche leur vie aussi. Personne n'est immunisé. La prévalence de la violence envers les femmes le montre clairement. Si j'autorise que d'autres femmes soient vendues comme des objets sexuels, pénétrées, utilisées comme support de masturbation et puis jetées sur le côté, cela me mène à deux conclusions possibles, logiquement. Soit je dis qu'il y a une sous-classe de femmes qui sont d'une certaine façon différentes de moi, et donc c'est normal qu'elles soient traitées ainsi, mais pas normal pour moi. De cette manière je peux m'enlever du tableau, et dire : pas mon problème. Ou alors, je dois dire que la femme dans les photos est exactement comme moi, et que si c'est normal que cela lui soit fait, alors c'est normal que ça me soit fait à moi. Je me tiens à côté d'elle et dis : non, je ne voudrais pas que cela m'arrive, donc ça ne devrait pas être en train de lui arriver.

Je suis une de ces femmes dans ces photos, une de ces femmes dans ces films. Je ne suis pas différente de vous, lectrice. Je ris et je pleure, j'ai des espoirs et des rêves, j'ai une famille et des amis. Je suis une jeune femme de classe moyenne qui a découvert que la violence domestique, la toxicomanie, les viols et le proxénétisme peuvent arriver à tout le monde. Qu'être utilisée dans la pornographie peut arriver à tout le monde. Je ne suis pas spéciale ou différente, ou inhabituelle, en dehors du fait d'avoir traversé ça, d'y avoir survécu, et d'être en guérison et de trouver une voix pour en parler maintenant. Je parle pour toutes ces femmes qui ne le peuvent pas, pour toutes ses femmes sans voix, pour toutes ces femmes qui ne s'en sortiront pas.

Nous ne sommes pas obligées de laisser les futures générations de femmes souffrir ainsi.